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La Belle Mauve

1962

La Belle Mauve
Martial Raysse, 1962
Plumeau collé sur photographie noir et blanc rehaussée de couleur, contrecollée sur Isorel monté sur châssis (230 x 122 cm) ; 251,5 x 143,5 cm
Nantes, Musée des arts

En 1960, les Niçois Martial Raysse, Yves Klein et Arman s’installent à Paris et créent le groupe des Nouveaux Réalistes, avec six autres artistes, à l’instigation du critique Pierre Restany. Ils tentent de nouvelles approches du réel en développant des stratégies d’appropriation et de détournement des objets issus de la société consumériste.

Martial Raysse déploie une vision apparemment positive de la réalité urbaine et exalte l’esthétique des Prisunic. La Belle Mauve fait partie de cette période de 1959 à 1968 où l’artiste crée un monde lisse, artificiel et esthétisant qu’il nomme « Hygiène de la vision ». Cet univers inventorie l’article en série, neuf, en plastique coloré, aseptisé, pur et inaltérable. Parallèlement, il s’approprie des stéréotypes véhiculés par la presse féminine et, à partir de portraits photographiques en noir et blanc qu’il reporte dans des couleurs vives, propose une typologie de Vénus modernes dans des mises en scène empruntant à la communication visuelle : présentoir, néon, enseigne lumineuse, accessoire de vitrine…

Ici, l’œuvre réunit les formes de l’étalage et de la maquette publicitaire ; derrière une vitrine en Plexiglas, le visage d’un mannequin à l’œil de biche, la paupière alourdie de fard bleu. L’œillade de la jeune femme n’est pas volontaire ; un plumeau de ménagère s’est fiché précisément sur l’autre œil. Passé la stupeur provoquée par la présence incongrue de l’objet réel, l’œuvre glisse vers une lecture ambiguë grâce à l’association visuelle du plumeau rose et d’une houppette de maquillage. Ce déplacement humanise l’œuvre, de même que les rehauts de couleur, ici et là. Dans les portraits de Raysse, où les jeunes femmes, pour la plupart, s’occupent à leur toilette, maquillage et peinture se fondent dans un même geste, les accessoires (houppette, fard, rouge à lèvres, huile solaire…) fonctionnant comme autant de métaphores picturales.

Arielle Pélenc : Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes