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(1867-1956)
Expressionniste
Danse autour du veau d'or 1910 Munich, Pinacothèque d'art moderne
Nature morte aux masques 1911 Kansas City, , Atkins-Museum
Danseuses aux bougies 1912 Neukirchen, Stiftung Seebüll
Nature morte aux danseuses 1914 Paris, Mus. Nat. d'art Moderne

Emil Nolde, né Hans Emil Hansen le 7 août 1867 à Nolde est le fils de paysans de ce Länder de Schleswig-Holstein. Il pratique la sculpture ornementale avant de s'intéresser à la peinture. Il apprend le dessin à Karlsruhe, puis à Saint-Gall en Suisse où il enseigne cette matière jusqu'en 1897. Il part alors compléter sa formation à Munich, à Dachau, puis à Paris, en 1899, où il est confronté aux peintures classiques du Louvre et où il fréquente l'Académie Julian. Il se partage ensuite entre Copenhague et Berlin et séjourne souvent dans l'île d'Alsen. Il épouse en 1902 Ada Vilstrup, rencontrée à Copenhague, de 12 ans sa cadette. Il découvre les tableaux de Vincent van Gogh et de Paul Gauguin à l'occasion d'expositions à Berlin et à Weimar, œuvres qui vont l'influencer profondément. Sa première toile connue date de 1895-1896 en Suisse (Géants de la montagne).

Il commence à exposer dès 1906, notamment à Dresde où sa peinture à thématique campagnarde, avec un traitement des couleurs vives en pâte épaisse, enthousiasme les artistes du groupe Die Brücke (Le pont). Emil Nolde s'y inscrit à partir de 1906 sur une invitation de Karl Schmidt-Rottluff. La thématique de son œuvre est alors exclusivement florale et Nolde quitte le groupe fin 1907 pour des raisons de divergence d'opinion tout en conservant des liens d'amitié avec certains de ses membres.

À partir de 1905, il s'installe à Berlin, d'abord quelques mois par an, en hiver. La vie urbaine et nocturne lui inspire de nombreux tableaux. Il y rencontre en 1907 le peintre Edvard Munch. Sa notoriété grandit et il s'inscrit à la Sécession berlinoise. Nolde est assez mal à l'aise dans ce milieu : ses toiles sont, de plus, régulièrement refusées par les expositions de ce groupe. Avec d'autres artistes (dont ceux de Die Brücke), il crée alors en réaction la nouvelle Sécession, dont la première exposition a lieu en 1910. Il est alors exclu de la Sécession.

Les thèmes de ses tableaux évoluent, il aborde des sujets religieux, employant la même technique de couleurs pures en aplats. Il peint notamment un retable en neuf parties en 1911-1912 sur la vie du Christ. Il peint également de nombreuses marines dont certaines sont à la limite de l'abstraction. Il se passionne pour l'art primitif : en 1913 il entreprend un long voyage qui commence par une traversée de la Sibérie en transsibérien et une visite du Japon, puis séjourne plusieurs mois dans des îles du Pacifique où il peint de nombreux croquis et aquarelles. Il en reprend les thèmes dans plusieurs tableaux faits à son retour en Europe. Il arrive que Nolde détruise certaines de ses toiles quand elles ne lui plaisent pas.

Il se retire au début de la première guerre mondiale dans un village près de son lieu de naissanceA la fin de la guerre, il est le plus virulent des modernes de son pays, avec Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938). Il peint Paradis perdu (1921), La Pécheresse (1926) des marines, scènes au jardin, aquarelles et gravures sur bois. C’est aussi le moment où il vend beaucoup et cher aux collections publiques et privées de ce qui est encore la République de Weimar (1918-1933).

Son succès et son aisance financière suscitent ressentiments et envies de la part de confrères moins estimés qui jalousent son art, si visible, à l’opposé du néoclassicisme pompeux qui a les faveurs d'Adolf Hitler.

En 1933, Nolde se croit cependant du bon côté : reçu par Himmler en novembre, il signe un appel des artistes en faveur d’Hitler l’année suivante et adhère au parti nazi. Mais il est de plus en plus explicitement mis à l’écart, et ses œuvres, ôtées des cimaises des musées, finissent par rejoindre celles de l’exposition « Entartete Kunst » – art dégénéré –, qui circule dans le Reich en 1937 et 1938. Des photographies prises à Berlin en février 1938 montrent Goebbels devant La Pécheresse et les visiteurs hilares ou enragés devant sa Vie du Christ.

George Grosz émigre à New York ; Max Beckmann se réfugie à Amsterdam ; Otto Dix se retire près de la frontière suisse et Kirchner se suicide en juin 1938. Nolde lui tente de se sauver en se déclarant vieil antisémite et en sollicitant le soutien de Goebbels et de Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes puis Gauleiter de Vienne, où Nolde essaie de le rencontrer, en 1942. Il lui envoie des courriers antisémites. Nolde introduit des sujets médiévaux germaniques et des vikings – « Viking » étant alors aussi le nom de la 5ePanzerdivision SS. Il tente tout pour rentrer en grâce mais échoue. Ses compromissions ne lui sont d’aucune aide et il reste un « dégénéré » interdit d’exposer jusqu’à l’effondrement du Reich.

Nolde la victime fait alors oublier très vite Nolde le nazi. Se crée la légende du martyr stoïque de la modernité. Exonéré de tout reproche en août 1946 en dépit de son appartenance au parti depuis 1934, veuf de la trop vitupérante antisémite Ada en novembre, il épouse une jeunesse au début de 1948 et reçoit, grand vieillard digne, honneurs, médailles et prix.

Ses funérailles en 1956 sont presque nationales : on pleure un génie à la vie exemplaire. En 1968 paraît La Leçon d’allemand, de Siegfried Lenz (1926-2014), beau roman qui achève le processus de sanctification. Cinquante ans après, celle-ci ne tient plus. L'exposition "Emil Nolde, une légende allemande : l’artiste durant le IIIe Reich" à Berlin en 2019 confronte les œuvres de l’artiste et des documents attestant son adhésion aux positions du parti nazi.

Source : Emil Nolde, peintre majeur et abject sympathisant nazi par Philippe Dagen, Le monde du 17 juin 2019.