La Manneporte, reflets sur l'eau

Claude Monet a peint cette toile à l'automne 1885, près d'Étretat où, quittant Giverny, il était venu séjourner quelques mois. Il s'attache à un site naturel spectaculaire et célèbre, celui de la Manneporte, nom donné à cette grande voûte creusée dans la falaise calcaire, semblable à une porte ouverte au-dessus des flots. Le peintre aimait peindre dehors, en plein air, pratique facilitée par l'invention de la peinture en tube en 1841. Renoir avait coutume de dire que sans les tubes de peinture, ni Cézanne, ni Monet, ni Sisley, ni Pissarro n'auraient existé.

Pour peindre cette vue de la Manneporte, Monet s'est rendu sur la falaise à près de 2 km à l'ouest d'Étretat, y installant son chevalet, seul face aux éléments. Ce qui l'intéresse ici et le fascine, c'est l'effet de la lumière sur la roche et sur la mer. Dorée par les rayons du soleil, la falaise blanche se pare de teintes roses, reflétées en de vives ondulations dans la mer. Les touches roses et jaunes se mêlent ainsi aux vagues vert et bleu émeraude. Toutes les couleurs semblent fusionner, célébrant l'union de la terre, du ciel et de la mer. Seules les touches différencient les éléments : lisses pour le ciel, plus épaisses pour la roche, vibrionnantes pour les vagues. L'œuvre est proche d'une esquisse, la couleur est appliquée en traits rapides, sans dessin préalable, sans détail de formes.

L'écrivain normand Guy de Maupassant, qui avait une petite maison à Étretat, témoigne de la manière dont Monet travaillait. Il le décrit comme un « chasseur », créant cinq ou six toiles à la fois, allant de l'une à l'autre, successivement, pour suivre le passage du temps et les variations de la lumière au cours de la journée, capable de traduire d'une simple touche de jaune l'infime rayon de soleil tombant sur la falaise blanche, un éclat bref, un instant passager, en un mot une impression.

Source : Musée des Beaux-arts de Caen