Matisse crée d'abord Danse (I) comme une étude préparatoire de l'œuvre commandée par l'homme d'affaires et mécène russe Sergei Shchukin pour décorer son appartement à Moscou. Chtoukine, ne voulant pas choquer les habitudes bourgeoises russes, lui demande dans un premier temps “la même ronde mais avec des jeunes filles en robe”. Puis il se ravise et écrit “Je trouve votre panneau d’une telle noblesse que j’ai pris la résolution de braver notre opinion bourgeoise. Il me faudra un deuxième tableau dont le sujet serait très bien La musique ”
Dans cette seconde version la couleur est saisissante : les corps sont brun rouge, le sol vert cru et le ciel d’un bleu profond. L’idée de danse est traitée comme un phénomène sacré. Le dessin définit les formes qui ne sont pas seulement celles de créatures humaines mais qui deviennent la cambrure, le balancement, l’élan, le geste en soi.
Ce qui compte c’est le mouvement de la ligne qui est portée par les trois tons dont il semble qu’on ne puisse rien retrancher . Pour Matisse, la ligne et la couleur doivent être libérées de tout mimétisme naturaliste. Matisse ne s’intéresse pas aux danseuses comme à des femmes, il s’intéresse au rythme qu’elles produisent ensemble.
Si une certaine analogie peut être observée avec la ronde au centre de La Joie de vivre, cet agrandissement de l’échelle des personnages magnifie la violence triomphale de cette farandole endiablée tournant de droite à gauche. Le rythme des jambes, la courbe du dos de la femme de gauche et l’arabesque formée par les longs bras tendus des cinq danseuses qui se réunissent dans une expression de joie sans entrave, donnent tout l'intérêt à l’oeuvre.