Chapitre des Oraison à la Vierge
Les très riches heures du Duc de Berry, 1412-16
Illumination sur vélin, 29 x 21 cm
Les Oraisons à la Vierge constituent le troisième des douze chapitres des Très Riches Heures. Elles sont représentées dans les feuillets 20 à 25 du quatrième cahier. Elles comprennent : trois petites miniatures (La Vierge à l'Enfant, La Sibylle et L'Empereur Auguste) et une miniature exceptionnelle (Adam et Ève expulsés du paradis)
Dans le centre du Jardin circulaire, entouré par un mur d'or, une fontaine de Vie. La miniature illustre quatre épisodes de la Chute jusqu'à l'Expulsion.
Sur la gauche, la tentation. Satan avec un visage charmant et des cheveux, mais avec la partie inférieure d'un serpent, remet deux pommes d'or à Eve, qui en a déjà accepté une et prend l'autre.
Dans la scène suivante, Eve elle-même est la tentatrice : elle remet une pomme à Adam, qui ressemble à un héros presque vaincu qui résiste en dernier. Un de ses genoux et une de ses mains est déjà sur le terrain, il tourne son corps en arrière et son bras est allongé pour recevoir la pomme. Ainsi il montre l'effort qu'il fait pour résister à la tentation.
Dans la troisième scène, Dieu le Père fait des reproches au couple. Les rayons allongés de son halo semblent souligner ses mots, tandis qu'il compte sur ses doigts les conséquences du péché. Avec sa main droite Adam accuse Eve qui cache sa main coupable derrière son dos.
La scène finale narre l'Expulsion : un ange vêtu de vêtements ardents pousse Adam et Eve hors du Paradis par une porte gothique en or. Ils regardent avec nostalgie derrière eux, le lieu de leur vie heureuse et paisible. Devant eux, les attend un monde morne et inconnu de montagnes nues et de mers terrifiantes.
La composition transmet à la perfection l'insécurité complète qui les attend. L'image n'a aucun encadrement, la frontière de la représentation entière étant fournie par le mur du Paradis. C'est de cet encadrement qu'Adam et Eve doivent entrer dans un monde qui n'a aucune frontière, dans laquelle les rivages mêmes de la mer disparaissent, se métamorphosant apparemment en des nuages dans l'infini d'espace.
Bien que la surface du Jardin d'Eden soit tendue derrière les personnages comme une tapisserie, ce n'est pas simplement une surface décorative, puisque l'obscurcissement graduel de la pelouse verte fraîche transmet la notion d'espace. Les nuances à peine perceptibles de verts semblent donner une profondeur à l'espace sphérique. L'intention du peintre est à cet égard aussi montrée par l'utilisation de perspective pour la fontaine et la porte (le toit de la fontaine et représenté par dessous, tandis que son bassin hexagonal apparaît comme vu d'en haut) Le rapport spatial entre les personnages et la position ferme d'Adam se mettant à genoux pousse à conclure que les artistes avaient des idées définies pour la représentation de l'espace.