One man, nine animals
Huang Yong Ping, 1999
Aluminium
Caen, Musée des Beaux-Arts
Douze mâts en bois s’ordonnent autour d’un chariot, où trône une petite figure du Buddha en bronze, indiquant le sud de la main. Neuf de ces colonnes portent des figures animalières en aluminium et ceinturent ce véhicule qui imite une boussole mécanique inventée en Chine au IIIe siècle avant notre ère. Ce bestiaire, issu de l’un des premiers guides de voyage chinois, le Livre des monts et des mers (Shanhai Jing), symbolise les grands maux de l’Humanité.
L’ensemble fut exécuté et monté près du domaine de Kerguéhennec, en Bretagne, lors d’une résidence de trois mois de l’artiste, soutenu par les écoles d’art de la région. Les fûts de bois, de différentes hauteurs, furent travaillés dans les ateliers Jégoux ; tandis que les sculptures animalières furent moulées en plâtre avant d’être transportées à la fonderie Nivet pour être revêtues de leur forme en aluminium. L’œuvre fut commandée dans le cadre de la 48e Biennale de Venise, en 1999, pour représenter le pavillon français en tandem avec Jean-Pierre Bertrand, dans une volonté de communion entre les cultures artistiques. Huang Yong Ping réside en France depuis 1989, et son œuvre incarnait déjà cette ouverture vers des référents culturels et artistiques étrangers.
Poursuivant la même dynamique à Caen, l’installation de Venise ne fut pourtant pas strictement reprise, afin de mieux s’adapter au lieu. Lors de la première mise en place, les mâts étaient alignés selon une hauteur croissante, certains allant jusqu’à pénétrer le toit du pavillon, donnant l’impression que cette procession descendait du ciel. Leur répartition libre dans le parc du château, du sol jusqu’au sommet de la muraille, suspend cette constellation de chimères entre la terre et le ciel. Le mur de l’enceinte ajoute, comme toile de fond, un cadre plus théâtral à ce cortège onirique.
Ces animaux, constants dans l’œuvre de Huang Yong Ping, présentent des traits monstrueux, par l’hybridation avec l’être humain (coq ou sanglier à tête humaine), ou par un nombre anormal de membres (serpent à neuf têtes ou aigle à une patte). Ils représentent une catastrophe naturelle ou humaine –la sécheresse, l’épidémie, la guerre – ou un épisode du voyage. Le chariot placé au milieu de ce défilé féroce apparaît comme un signe placide qui guide le voyageur en le préservant de ces mauvais présages. À la métaphore du voyage et de ses dangers s’ajoute celle des tumultes de l’existence humaine contre lesquels chacun doit lutter : ce panthéon à l’aspect sauvage préserve justement un terrain saccagé par une tempête en 1987
L’installation dans un château médiéval permet à l’œuvre de prolonger ce dialogue et ce croisement entre des cultures différentes, problématique première dans le travail de l’artiste. Les contes extrême-orientaux sont invoqués au même titre que les bestiaires du Moyen Âge dans cette fable chinoise ré-interprétée au sein d’une bâtisse du XIe siècle devenue musée.
Alban Benoit-Hambourg, pour Atlasmuseum,, mai 2016.