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Ecce Homo

1606

Ecce Homo
Le Caravage 1606-1609
Huile sur toile,
Madrid, Musée du prado - Collection privée

Dans la Passion, les derniers jours avant la mort du Christ par crucifixion, il est arrêté et tourmenté par des soldats romains. Après la flagellation, Jésus est amené devant le gouverneur romain de Judée, Ponce Pilate. Selon l'Évangile de saint Jean (19, 2-5), le Christ est présenté à la foule portant une couronne d'épines, un sceptre de roseau et une robe de pourpre. Disposé et habillé par ses bourreaux, chaque article se moque symboliquement de la prétention du Christ à être le roi des Juifs. Avec les mots "Voici l'homme!" (« Ecce homo »), Pilate annonce ce spectacle pitoyable, montrant la souffrance du Christ.

Le personnage le plus proche du spectateur, penché avec insistance sur le parapet du balcon, est Pilate. Engageant à la fois la foule impliquée et le spectateur directement, Pilate est en proie à l’indécision. Ne trouvant aucune preuve de l'accusation portée contre le Christ, le gouverneur romain confie le sort de Jésus à la foule et il est condamné à mort aux cris de « Crucifiez-le ! ».

Brillamment éclairé par le clair-obscur dramatique typique du style du Caravage, le Christ occupe le centre de la composition. Des taches de sang vives font écho au riche pourpre de la robe drapée moqueusement sur ses épaules par le soldat, contrastant avec sa chair pâle. Triste et résigné, le Christ est pris au milieu de ce groupe étroitement disposé, positionné en diagonale sur le plan de l’image par l’artiste, le sceptre en roseau du Christ attirant le regard du spectateur dans la même direction. Le dernier personnage apparaît derrière le Christ, la bouche ouverte, criant peut-être à la foule, renforçant ainsi le sentiment de drame et d'indécision. Des points de peinture blanche dans ses yeux traduisent des émotions turbulentes, mais on ne sait pas clairement s'il est agité par la haine, la panique ou la pitié. Les trois personnages rappellent chacun des modèles utilisés par le Caravage dans des peintures antérieures, leurs gestes dramatiques étant caractéristiques de la méthode préférée de l’artiste pour communiquer le récit.

Le Caravage a dû fuir Rome, où il était devenu célèbre en tant que peintre, après avoir mortellement blessé un homme nommé Ranuccio Tomassoni en 1606 lors d'une dispute. Pour éviter la peine de mort associée à ce crime, le peintre quitte la ville en mai 1606 pour se rendre à Naples. Suite à une série de commandes réussies, l'artiste se rend à Malte en 1607 et devient chevalier de l'Ordre de Saint-Jean. Après un peu plus d'un an à Malte, Caravage est parti subitement, peut-être suite à la découverte de ses antécédents criminels. Il se rendit ensuite en Sicile, puis revint à Naples, dans l'espoir de recevoir des nouvelles d'une éventuelle grâce. L'Ecce Homo a été peinte au cours de ces années troublées et reflète la tension d'un fugitif travaillant désespérément, implorant d'être autorisé à rentrer chez lui à Rome. Cela montre comment son travail ultérieur s'est développé dans un style plus rapide et plus concis par rapport aux années précédentes, mais sans jamais manquer de précision dans les détails.

Une découverte tardive

Au printemps 2021, dans un catalogue de la maison de vente aux enchères Ansorena à Madrid, figure la photo d’un tableau attribué à un élève du peintre espagnol José de Ribera, mis à prix 1 500 euros. En avril, un antiquaire international envoie la photo du tableau par WhatsApp à Maria Cristina Terzaghi, professeure d’histoire de l’art moderne à l’Université Roma Tre, afin d’avoir son opinion. En  consultant le catalogue en ligne d’Ansorena, l'experte italienne, demande plus de photographies et s'envole immédiatement pour Madrid estimant qu'il y ait des chances que ce soit un Caravage. Elle y retrouve les mêmes lignes incisées, petites entailles lui servant de repère, et les mêmes coups de pinceaux croisés, qui correspondent à la technique du Caravage.

David Garcia Cueto, chef du département de peinture italienne du Prado voit le tableau dans le catalogue et partage alors sa découverte avec Miguel  Falomir, le directeur du Prado avant de se rendre chez Ansorena. Le tableau est sale, mal conservé, le directeur a encore des doutes mais doit rester discret si l’Etat est intéressé pour l’acheter. D'autant que des collectionneurs internationaux sont aussi persuadés d’y voir la main du Caravage. M. Falomir essaie de se rendre à son tour dans la maison Anserona mais le tableau a été retiré de la vente. Mme Terzaghi a été la dernière à pouvoir le voir, le toucher. Le tableau risquant de disparaître à nouveau dans une collection privée, il n’y a pas de temps à perdre .Le directeur du Prado prévient le ministère de la culture, qui en moins de vingt-quatre heures, déclare le tableau « inexportable ». Et la région de Madrid engage la procédure pour le classer « bien d’intérêt culturel ». Ainsi, il ne peut être vendu qu’à des personnes ayant une résidence en Espagne .Sur le marché de l’art international, les experts estiment que son prix aurait pu dépasser les 100 millions d’euros. Mais même à 30 millions, il reste trop élevé pour l’Etat espagnol. C'est un Britannique résident en Espagne, souhaitant garder l’anonymat, qui selon la presse espagnole, aurait acquis l’œuvre pour 36 millions d’euros.

Entre-temps, le tableau est soumis à une analyse aux rayons X par l’ingénieur nucléaire Claudio Falcucci, spécialiste de la conservation du patrimoine culturel, étudié par des historiens de l’art puis restauré par le Florentin Andrea Cipriani. Le directeur du Prado, Miguel Falomir, lors de la présentation à la presse affirme ainsi que les plus grands experts sont unanimes pour attribuer le tableau au Caravage.

Le Prado, fier d'avoir exercé ses responsabilités bénéficie aussi de la "générosité" de l'acquéreur: depuis le 28 mai 2024, le tableau est exposé dans une salle du musée du Prado durant neuf mois... et peut-êtres davantage.

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