L'amour que représente Le Caravage n'est pas vainqueur de ce qui entrave classiquement les amants aux amours contrariés (famille ennemies, disproportion de fortunes ou des goûts...).L'amour victorieux du Caravage n'est pas celui des amants platoniques. C'est celui du désir brutal des draps défaits. Celui pour lequel, on est prêt à détruire les valeurs les plus hautes de l'humanisme : la culture, l'art et la musique.
Conformément aux paroles de Virgile : « Omnia vincit amor » (L'amour vainc tout, Les bucoliques 10.69), le jeune Dieu de l'amour terrestre, vainqueur souriant, triomphe de la science, de l'art, du pouvoir et de la renommée. Les instruments et symboles des « arts libéraux », le laurier de la renommée immortelle (et surtout littéraire), et l'armure, symbole de l'art et de la gloire de la guerre, gisent éparpillés à ses pieds comme des trophées, le butin de la victoire (selon le biographe du Caravage Bellori en 1672) : à gauche, un manuscrit de musique et deux instruments à cordes, un violon et un luth, devant eux un angle et un compas, les instruments de la géométrie ; derrière la jambe droite de L'amour, partiellement caché par la branche de laurier, un manuscrit ouvert et densément écrit et un stylet en roseau; à droite, près du bord de l'image, derrière la jambe gauche repliée d'Amour, une couronne et un sceptre comme insigne de l'autorité et du pouvoir mondains.
Amour semble assis sur un globe bleu décoré d'étoiles, suggérant qu'il triomphe du monde entier ; en même temps, la sphère céleste fait allusion à l'art de l'astronomie. Il semble cependant avoir été ajouté par le peintre plus tard. Le garçon n'est pas vraiment assis sur la courbe peu profonde du globe, mais plutôt sur un rebord, d'où la draperie qui retombe sur le côté droit, et sur lequel il a appuyé sa jambe. Comme le montrent les images radiographiques et les pentimenti étendus, ce bord continuait à l'origine vers la gauche au-delà de la figure d'Amour, mais a ensuite été effacé, repeint et remplacé comme surface d'assise par le globe. La pose ludiquement précaire, provocante, importune – un travestissement de la Victoire de Michel-Ange (Florence, Palazzo Vecchio) – et le rire ambigu et moqueur de l'enfant, que Caravage peignit d'après un modèle choisi parmi le peuple, soulignent l'interprétation la plus répandue de cette peinture, déjà audible dans l'inventaire Giustiniani (1638), et élaborée notamment par Walter Friedlaender dans ses Études du Caravage (1955), selon laquelle l'Amour terrestre se plaît à tourner en dérision les plus hautes valeurs morales et intellectuelles de l'humanité, ainsi que nos plus hautes aspirations.