Le saint moine résistant aux assauts du mal omniprésent dans le monde sensible est le sujet apparent. Le thème de la passion et de la souffrance sert d'introduction au thème central du triptyque qui traite d'une autre passion : celle de la beauté du mal. Quel contraste en effet entre les deux scènes grises et désolées du triptyque fermé et la splendeur colorée et lumineuse du triptyque ouvert.
Le triptyque est unifié par une même ligne d'horizon, par un ciel pur que seul trouble un incendie sur le panneau central et par une courbe où figurent les effigies du saint. Les lignes courbes de l'horizon, des figures du saint et de la séparation des eaux et de la terre se prolongent sur les trois panneaux et font de l'il du spectateur le lieu de rayonnement de ce tableau. A la vision d'ensemble succède cependant immédiatement une dérive irrésistible de l'il vers le détail, vers l'inventaire des monstres et des créatures infernales
Panneaux fermés :
Arrestation du christ au jardin des oliviers et Le christ portant sa croix.
Panneau de gauche :
Dans la partie supérieure, le saint est rossé
par des diables, le regard se pose sur le sol avec une nouvelle représentation
du saint, très affaibli par sa chute et secouru par deux moines et
un laïque dont les traits représentés avec une grande précision
seraient, selon une tradition qui reste sans preuve, ceux du peintre. La terrer
ou échoue le saint est un lieu couvert d'étranges constructions
et peuplé d'habitants inimaginables_ le mal est partout. L'homme-maison
n'est pas sans évoquer un bordel ainsi que très probablement
al sodomie. L'architecture animale sauterelle-poisson dévorant un autre
poisson incarne un monde en conflit total et permanent capable d'engendrer
des dignitaires ecclésiastiques également monstrueux. Même
les lieux apparemment calmes, la mer, la plage, et les paysages champêtres
sont hantés de présences inquiétantes, discrètes
pour certaines (le naufrage) plus évidentes pour d'autres comme le
gigantesque corps blessé de l'homme-maison
Sous le niveau de la terre, le registre inférieur de l'eau gelée
donne sur une ouverture qui semble communiquer avec un espace infernal
Panneau central :
Le saint se trouve pratiquement au centre géométrique du tableau : point de convergence ou de répulsion de divers groupes de cortèges de créatures monstrueuses. Discrète sinon dissimulée dans une architecture en ruines, une double représentation de jésus indique le vrai chemin dans un monde confus. Les plans supérieurs sont constitués, à gauche, par la peinture d'un village en flammes, tandis qu'à droite, deux navires ailés peuplent de leur élégance le jour radieux.
Le saint est encerclé mais il nous regarde. Il ne voit pas, ne veut pas voir les êtres impossibles qui le défient ; sans doute sa main désigne-t-elle la double présence de Jésus Christ, image de la foi authentique
La table derrière le saint semble être un lieu de culte.
Une procession de monstres se dirige vers le saint, le premier groupe est constitué de deux musiciens alors que le second représente une parodie de justice avec la grande roue du bailli exhibant le membre tronçonné d'un condamné
Au-dessus du village en flamme, volent des créatures malignes. Plus bas, un pont, une rivière, une femme lavant du linge, instantanés d'une réalité veille de 500 ans
Le mal qui envahit tout n'épargne pas même l'édifice hanté qui abrite le Christ et son effigie. La partie supérieure du monument est peuplée d'être maléfiques. La tour de la Foi ancienne jouxte le palais du péché. Sur la tour, des images d'idolâtrie avoisinent celles de la loi de Dieu et de la terre promise où coulent le lait et le miel, symbolisée par une grappe de raison géante
Le palais du Péché est une construction en forme de fruit auquel on accède par un pont couvert. Il est traversé par une étrange procession animale. Lieu de goinfrerie et de luxure, une étrange horloge et le niveau des eaux indiquent peut-être l'intensité du péché
Les vaisseaux aquatiques et souterrains sont le pendant dans l'élément liquide des diaboliques transports aériens. Ces habitants des eaux troublent ou des égouts accompagnent les officiants d'une messe noire. A l'arrière plan, le personnage qui porte un bébé emmailloté est sans doute encore une parodie de l'histoire sainte : celle de la fuite en Egypte
Un fruit écarlate et d'aspect très appétissant s'avère pourri et sert d'abri à des êtres inqualifiables. Au second plan, un personnage énigmatique en haut de forme exhibe un membre tronçonné. Par transparence, on distingue les deux cercles du zodiaque
Panneau de droite:
Le ciel, comme toujours, est peuplé de créatures monstrueuses ou négatives. Ici une variante particulière de sorcière se rendant à quelque étrange cérémonie
Une ville et son fossé avec des collines au second plan. Les fossés sont peuplés d'êtres bizarres des rats géants, un dragon.
Contrairement au panneau central, le saint apparaît ici distrait de son étude et ne nous regarde pas. Il ne regarde pas non plus la femme nue, qui incarne probablement la tentation de la chair, à demi cachée dans les branches de l'un des innombrables arbres secs qui peuplent l'univers de Bosch. La boisson est directement liée à la luxure. En marge un individu sans bras à l'intérieur d'une sorte de trotteur est l'image du désarroi sans nom
Le registre inférieur du tableau est celui de la gloutonnerie depuis la table habitée, soutenue et assiégée par des personnages inquiétants jusqu'au ventre transpercé.
Bibliographie :
Jose Luis Porfirio, la tentation de saint antoine, 1989 éditions Adam Birio