Du 17 janvier au 13 avril 2008: Fondation Henri Cartier-Bresson |
La Fondation Cartier-Bresson présente une rétrospective du travail personnel du photographe Saul Leiter. Né à Pittsburgh en 1923, Leiter connaît une certaine notoriété dans le milieu de la mode, mais son travail de rue, ici présenté, restait largement inconnu.
L'exposition rassemble une centaine de photographies prises entre 1947 et 1960, en consacrant un étage aux clichés noir et blanc et un à la couleur.
L'ensemble présente une grande unité de sujets. Bien que le photographe s'attarde à l'occasion sur des éléments du mobilier urbain, c'est la présence de l'homme, isolé ou en groupes, qui retient le plus son attention. Leiter choisit de manière préférentielle ses sujets dans une pose simple, en mouvement ou saisis dans une activité naturelle qui interdit toute théâtralisation de ses scènes.
Green Light Against Grey,
New York, 1955 |
Hats, New York, circa 1948
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Subway Lady, New York,
circa 1950 |
Malgré quelques concessions occasionnelles au " moment décisif
", Leiter refuse le plus souvent la netteté qui conférerait
à ses clichés une précision documentaire. Les affects
sont tus et les émotions évacuées au profit d'une mise
en scène ironique et déréalisée. Pratiquant la
synecdoque visuelle, Leiter préfère suggérer plutôt
que montrer et refuse le plus souvent l'évident et l'explicite. Le
pittoresque disparaît également devant l'anonymat des lieux et
l'universalité des situations. La ville devient un univers "flottant,
embué" relativement libre de toute violence, où s'imprime
une vision poétique et posée. La qualité atmosphérique
de celle-ci est particulièrement relevée par la faveur qu'il
donne aux éléments (ombres, brouillard, pluie et neige) pour
diluer la crudité du monde.
Leiter recourt fréquemment au motif du cadre qui accentue l'iconicité des scènes ordinaires qu'il photographie. Il crée ainsi "une succession infinie de mises en abîmes" qui n'est pas sans rappeler le travail contemporain de Meatyard ou de Callahan. L'emploi de focales longues contribue également à la cohérence formelle de l'ensemble. La superposition des plans et l'abolition relative des distances participent à cette métamorphose du réel que Leiter entreprend. Les reflets et les transparences dans les vitrines sont une ressource favorite. Ils autorisent la surimpression des plans et procèdent de cette même logique de refus de la perspective et de mise à plat des strates.
Seeds, New York, 1954
collection Aforge Finance |
El, New York, 1954, collection Aforge Finance
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Ces choix, qui rapprochent son travail de celui d'Helen Levitt ou de William Klein, voire des hyperréalistes (Richard Estes) annoncent les pratiques du mouvement Pop. Cette démarche accompagne la tentation de l'abstraction qui caractérise le travail de Leiter, notamment dans la couleur. Sa rencontre avec certains peintres (Rothko, Newman, Guston) et sa propre pratique de la peinture semblent plaider pour une forte influence de l'Expressionnisme Abstrait.
Christophe Cormier le 03/03/2008
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