Au sein de l'ensemble du programme de l'art classique qui va de la Renaissance à l'impressionnisme, peut-on cerner un mouvement spécifiquement classique ? Seuls les historiens d'art français, en référence au siècle de Louis XIV, défendent ce point de vu alors que, pour les Anglo-Saxons, seule la Renaissance est classique.
Préambule
Pour les théoriciens anglo-saxons, tout le XVIIe siècle est baroque. Lorsque Heinrich Wölfflin intitule son ouvrage de 1912 : L'Art classique, c'est pour mieux le sous-titrer "Initiation au génie de La Renaissance italienne", réservant ainsi l'art classique aux XVe et XVIe siècles. Il développera sa thèse dans Principes fondamentaux de l'histoire de l'art où il prouvera de manière définitive que tous les peintres du XVIIe ont bien éprouvé le même bouleversement du sentiment décoratif (ce qui mérite d'être peint) et du sentiment imitatif (comment le peindre). Wölfflin regroupe en cinq catégories les mutations apparues au cours du XVIIème. Le baroque, par rapport au classique (à la Renaissance donc), privilégie :
Le classique français du XVIIe répond lui aussi, sauf peut-être pour le premier point, aux principes baroques évoqués par Wölfflin. Ernst Gombrich admet toutefois dans son Histoire de l'art, une diversité dans la vision au XVIIe siècle avec, d'un côté ceux qui réagissent au maniérisme par une pensée ordonnée comme Anibal Carrache et Guido Reni et ceux qui inventent le baroque à la suite du Caravage.
Sans aller jusqu'à replacer Anibal Carrache et Guido Reni au sein d'une vision classique qui s'opposerait à celle du Caravage, nous suivrons les historiens d'art français et nos encyclopédies nationales pour cerner un mouvement classique au sens historiquement restreint du terme.
L'art classique français
L'art classique français repose ainsi, comme à la Renaissance, sur une admiration et une inspiration des modèles de l'Antiquité. Il concerne la période de l'art français qui dans la seconde moitié du XVIIe, sous le règne de Louis XIV, se rapprocha le plus des modèles grecs et romains conçus comme des références idéales.
Quoique l'architecture s'appuyât sur des traités, elle ne possédait
guère de doctrine avant que Fréart de Chambray fit paraitre
en 1650, son Parallèle de l'architecture antique avec la moderne,
qui proposait comme modèle l'Antiquité. Deux ans plus tôt,
la création de l'Académie royale de peinture et de sculpture
apparait comme la première tentative de rassemblement, dans ces deux
disciplines, d'artistes épris d'un même idéal d'ordre
et de raison, qui se matérialise dans la formation d'une école
académique. Sous la direction de Le Brun, celle-ci se fera, à
partir de 1663, le défenseur de la doctrine classique. Elle sera complétée
par la fondation en 1670, de l'Académie d'architecture dirigée
par François Blondel.
Cette doctrine ne vise pas seulement à régir contre les abus et les tumultes du baroque mais à susciter un état d'esprit, à élaborer un style esthétique répondant à la grandeur du siècle de Louis XIV. Le roi, s'appuyant sur des serviteurs aussi zélés que Le Brun, Colbert, surintendant des bâtiments et Jules Hardouin-Mansart, architecte de Versailles, donna à son style son sens le plus ample et le plus grandiose, propre à exalter la personne royale et, à travers elle, la monarchie française à son zénith.
L'Antiquité et son expression moderne, La Renaissance, sont donc la base du mouvement qui commence vers 1650. Annoncée par les courants qui se sont dessinés dès la première moitié du siècle, dans les provinces françaises où l'influence italienne (maniérisme et caravagisme) et flamande (survivance du baroque) se sont progressivement fondues dans une prise de conscience de plus en plus profonde d'un réalisme spiritualiste vivifié par le goût de la mesure, de la sobriété et de l'harmonie (Georges de La Tour, les Le Nain). Soutenue par le pouvoir, animée par les académies et leurs écoles, la renaissance classique aura trouvé en Nicolas Poussin, dont la majeure partie de l'existence se déroula pourtant à Rome et pour une bonne part avant 1650, une pensée vivante.
Quand, en 1642, Nicolas Poussin écrit : "Mon naturel me contraint à chercher et aimer les choses bien ordonnées, la confusion m'est contraire et ennemie", il semble qu'il donne son évangile à cette satisfaction de l'intelligence, de la raison, de l'ordre et du gout qu'exprimera, dans une communication étroite avec les anciens, l'art classique français. Celle-ci d'ailleurs se retrouvera dans la littérature, la poésie, le théâtre et l'histoire.
La personnalité de Le Brun s'imposa à tous ceux qui travaillèrent
pour la gloire de la monarchie à cette naturalisation de la grande
décoration bolono-romaine qui caractérise le classicisme pictural
de Versailles. Pour la peinture religieuse et les genres considérés
comme mineurs (portraits, paysages, scènes de genre) dont la clientèle
privée se satisfait pleinement se retrouvent mais plus sensibles et
plus harmonieuses les qualités d'ordre d'harmonie d'équilibre
et de mesure du gout royal. Une spiritualité, un sens de l'observation
réaliste du quotidien des retrouvent aussi chez Philippe de Champaigne,
Le Sueur, Sébastien Bourdon, Largillière ou Valentin.
Les malheurs de la monarchie, le déclin de l'autoritarisme royal et la disgrâce puis la mort, en 1690, de Le Brun ne permirent pas à l'art classique de se montrer ferme vis-à-vis du Rococo, cette résurgence du baroque. Le classicisme survivra à ce baroque sans frénésie et sans outrances et pour renaitre avec le néo-classicisme.