Mercredi 6 octobre 2010 au musée des Beaux-arts de
Caen
Conférence de Serge David
"Caen, des cinémas dans la ville" est une conférence organisée par Les Amis du Musée de Normandie, donnée le 6 octobre 2010 dans lauditorium du Musée des Beaux Arts de Caen par Serge David, commissaire de lexposition "Caen, des cinémas dans la ville" présentée jusquau 31 octobre 2010 dans le cadre des festivités des 50 ans du Lux et auteur du livre éponyme.
Serge David, président du cinéma Lux, est venu présenter pendant un peu plus dune heure lhistoire des cinémas à Caen sur plus dun siècle, jusquà aujourdhui. Cette histoire a épousé celle du septième art et de sa distribution.
Les origines
Dans les années qui suivent immédiatement sa création par les frères Lumière en 1895, le cinéma nest encore quune attraction parmi dautres dans les foires itinérantes. Rapidement, ces petits films, que les forains achètent à leurs réalisateurs, obtiennent du succès et prennent une place grandissante parmi les attractions proposées.
Lidée germe vite dans lesprit de certains que ce spectacle lucratif pourrait le devenir encore plus en en changeant les modalités de diffusion. Quelques entrepreneurs pionniers (Pathé, Gaumont) vont ainsi petit à petit changer la donne, en contrôlant la diffusion des films. Les forains, qui doivent désormais louer les films pour une durée déterminée sans en être propriétaires, vont progressivement perdre la main et être éliminés du marché. La projection de films se sédentarise et se fait désormais dans des salles "en dur" dédiées au cinéma. A Caen, cette évolution est portée par Albert Leboyteux : en 1909, son cinéma Omnia est autorisé à sinstaller boulevard Albert Sorel, à lemplacement actuel des courts de tennis.
Le développement des grandes salles dans lentre-deux guerres
LOmnia
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Le Trianon
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Vingt ans plus tard, LOmnia doit fermer pour permettre lextension du stade Hélitas. Avec largent de lexpropriation, la première grande salle caennaise (1000 places), Le Trianon, voit le jour à lemplacement actuel de la bibliothèque municipale. Situé à mi-chemin de lUniversité (alors rue Pasteur) et de lassociation des étudiants boulevard Sorel, Le Trianon, avisé, propose déjà aux étudiants un tarif spécial et leur confie une plage de programmation artistique, sous la dénomination de Studio 27 (appel est lancé à lauditoire pour percer lorigine de cette appellation, que Serge David na pu retrouver). Cet établissement correspond aux nouveaux standards de la projection cinématographique : une grande salle pouvant accueillir des centaines de personnes dans des conditions confortables, et munie dun large écran. Dans la foulée du Trianon, Leboyteux ouvre une nouvelle salle, LEden. Cela génère également des vocations chez la famille Martin, qui construit son propre cinéma dans les anciens jardins de lhôtel de Than, Le Majestic (à lemplacement actuel du Pathé-Lumière). Avant le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, Caen compte donc, avec Le Select (ouvert dans les années 1910, rue de LEngannerie), quatre grandes salles, où lon noffre dailleurs pas que du cinéma, mais aussi dautres spectacles comme du music-hall (Joséphine Baker sest ainsi produite dans la Cité de Guillaume).
L'eden
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Le Majesctic
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LOccupation et la Reconstruction
Pendant lOccupation allemande, une nouvelle salle est construite : Le Normandie (50 rue Saint-Pierre, dans les locaux actuels du magasin Eurodif). Le Majestic est réquisitionné par loccupant pour divertir les troupes de la Wehrmacht ("Soldatenkino"). Les salles poursuivent leur activité dans des conditions évidemment particulières. Les films de propagande restent marginaux cependant.
La Libération et son lot de destructions, qui ont mis une bonne partie de la ville à bas, épargnent les cinémas qui peuvent reprendre assez rapidement leur activité. Seul LEden est détruit. Il sera reconstruit, plus grand, quelques années plus tard, près de ses ruines. Le Select sera quant à lui détruit, non par les bombardements mais parce quil gênait les plans des artisans de la reconstruction de la ville. Il sera reconstruit pour mieux sintégrer au paysage de la nouvelle grande artère, lavenue du 6-juin, par laquelle se fera désormais lentrée dans le cinéma.
Le Normandie
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A la fin des années 50, de nouvelles salles viennent étoffer loffre cinématographique : Le Paris sinstalle face au Select, avenue du 6-juin ; Le Malherbe, rue Jean Romain ; LABC, enfin, rue de Falaise, vient combler le vide sur la rive droite de lOrne.
La fin dune époque et larrivée de lArt & Essai avec le Lux
Dans les années 60, la fréquentation, comme au niveau national, chute. Le Select ferme ses portes et laisse la place à un garage automobile (fermé lui aussi depuis). Le Trianon est quant à lui détruit pour permettre la construction de la bibliothèque municipale. Le Normandie se refait une jeunesse et devient Le Vog pour loccasion.
Cest à cette période que Le Lux va émerger. Salle paroissiale à lorigine en 1960, sa programmation respectueuse des bonnes murs (quitte à obstruer avec un carton les scènes "choquantes" !) trouve vite ses limites. Pour relancer la fréquentation et littéralement sauver Le Lux de la fermeture, lassociation de la paroisse fait appel à un fin connaisseur du cinéma local, Gilbert Benois. Dultimatum en ultimatum, celui-ci va finir par réussir à donner une légitimité à la salle, en professionnalisant ses pratiques (davantage de séances), mais surtout en faisant le pari de lArt & Essai, un mouvement alors débutant qui encourage la diffusion des films en version originale sous-titrée.
Concentration des salles caennaises et extension en périphérie à Hérouville-Saint-Clair
Dans les années 70, à lexception du Majestic et du Lux, toutes les salles deviennent la propriété dun exploitant brestois, Pierre Holley. Cette concentration ne vire pas pour autant à la concurrence déloyale, et la programmation se fait en bonne intelligence : Holley ne cherche pas à marcher sur les plates-bandes du Lux (qui vit alors son âge dor). Sa mort dans un fait divers en 1974 ne modifiera pas la donne.
Par ailleurs, loffre cinématographique sur lagglomération caennaise sélargit à Hérouville-Saint-Clair. Un complexe de cinq salles, Le Cinéclair, voit le jour en 1976 dans la galerie marchande du supermarché. Dans le même temps, la mairie dHérouville-Saint-Clair a un autre projet dans ses cartons : un centre culturel cinématographique (le futur Café des Images), auquel sont associés les programmateurs du Lux. Mais ces derniers se retirent, fâchés, lorsquils apprennent la création du Cinéclair que la mairie leur avait cachée. Le Café des Images ouvre en 1978 et, malgré des débuts difficiles, finira par trouver une place de choix dans le paysage cinématographique caennais. Moins heureux, Le Cinéclair, victime de la concurrence des autres complexes, cesse lui son activité en 1986.
Lère des multi-salles
Car une nouvelle ère souvre : celles des complexes multi-salles, qui met fin à lhégémonie des grandes salles à écran géant de plusieurs centaines de places. Gaumont rachète le Majestic et découpe les deux salles existantes en sept, afin de rentabiliser davantage lactivité. Dans le même temps ou presque, les héritiers de Pierre Halley souhaitent vendre toutes leurs salles (Vog, Paris, Malherbe).
Inquiet de lintérêt que ces emplacements pourraient susciter chez UGC ou Pathé, le Lux se lance alors dans une politique coûteuse de rachat, quitte à revendre ensuite ces salles à des activités non-cinématographiques (cest le cas du Vog, à lenseigne Eurodif). Il en frôlera la disparition Car si le Paris trouve preneur (il sera découpé en quatre salles), ce nest pas le cas du Malherbe. Le Lux trouve finalement un accord en 1984 avec Pathé (son PDG est un ami de la Ville) : sappropriant des locaux attenants abandonnés par le Crédit Agricole, le cinéma se transforme en complexe de sept salles : cinq salles pour Pathé, les deux autres à létage pour Le Lux.
Mais cest en fait Mediavision (la régie de publicité au petit bonhomme à la pioche), et non Pathé, qui entre dans le capital de la nouvelle société, avec des conséquences fâcheuses pour le Lux : victime dun marché de dupes, il devient minoritaire et est contraint de fermer sa salle historique rive droite pour éviter la concurrence ! Après deux ans de ce régime où les animateurs du Lux sont progressivement évincés, cest le divorce : le Lux repart de zéro en 1987 dans sa salle du quartier Sainte-Thérèse. Le Café des Images de son côté a su, par une politique ambitieuse, simposer sur le terrain de lArt & Essai que le Lux narrivait plus à occuper : il en profite pour ouvrir une deuxième salle en 1987.
Lhégémonie de Pathé en centre-ville
Au début des années 90, Pathé et Gaumont règnent sur Caen (le Cinéclair a fermé, le Paris peine à exister) et se livrent concurrence. Larrivée à leurs têtes respectives des deux frères Seydoux va aboutir à un accord de partage national pour sépargner des conflits dans chaque ville où les deux circuits sont présents. A Caen, Gaumont se retire et Pathé récupère en 1992 le site de lex-Majestic, quil baptise Pathé-Lumière. Plus de guerre donc avec le Pathé-Malherbe !
Pérennisation et développement de lArt & Essai
Le Lux à Caen
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le café des Images d'Hérouville-Saint-Clair
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LArt & Essai évolue également dans lagglomération : le Lux reprend des couleurs et ouvre une seconde salle en 1995. Le Café des Images passe à trois salles lannée suivante (le Lux suivra dix ans plus tard, une démarche indispensable pour ces cinémas qui pour assumer leur raison dêtre et survivre doivent disposer dune programmation suffisamment riche et variée). Ce terreau cinéphile attise des convoitises : le Paris est racheté et devient le troisième centre dart & essai, le premier en centre-ville, sous le nom de Pandora, en 1999. Mais la greffe ne prend pas, et séteint deux ans plus tard. Le Crédit Agricole sempare des lieux
Les multiplexes
Cest à cette époque (la deuxième moitié des années 90) que débarque une nouvelle révolution de lexploitation : le multiplexe. UGC lance ici le mouvement en 1998 en périphérie de Caen avec ses 12 salles dans le centre commercial Mondeville2. Son succès bouleverse à nouveau la donne en centre-ville. Le Pathé-Malherbe ferme ses portes en 2004, est détruit et remplacé par des appartements résidentiels. La riposte de Pathé interviendra prochainement, avec labandon de lantique site du Pathé-Lumière pour investir le nouveau quartier des rives de lOrne avec un complexe de dix salles.
Ce remodelage du paysage cinématographique constituera un nouveau défi pour les cinémas dArt & Essai de lagglomération, les multiplexes en centre-ville cherchant en général à capter un public différent de celui des multiplexes de périphérie, un public que la version originale sous-titrée neffraie pas à suivre donc !
Jean-Benoit Massif le 21/10/2010
Cette conférence présentait une bonne partie des éléments mis en scène par l'auteur dans lexposition Caen, des cinémas dans la ville (présentée jusquau 31 octobre 2010 à lEchiquier, dans lenceinte du Château de Caen). En plus de donner à voir quelques panneaux évoquant les cinémas caennais et leur histoire, celle-ci invite à revenir sur lhistoire du cinéma en général, de ses techniques et de ses mouvements artistiques.
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