Nicolas Gogol est né en 1809 dans un village du gouvernement de Poltava,
au cur de l'Ukraine, au sein d'une famille de petite noblesse campagnarde
peu aisée. Son père, décédé en 1825 alors
que Nicolas n'a que 16 ans, écrit de petites pièces de théâtre
et développe le goût de son fils pour la littérature.
Sa mère lui donne une éducation religieuse traditionnelle qui
au fil des ans évoluera vers un mysticisme maladif
Après de médiocres études au gymnase de Nijyn, Gogol
quitte l'Ukraine pour Saint-Pétersbourg avec l'ambition de faire une
grande carrière dans l'administration. Il prétend que la première
chose qu'il fit, une fois arrivé dans la capitale de l'Empire russe,
fut de courir chez Alexandre Pouchkine qui, mal remis d'une nuit de fête,
ne put malheureusement le recevoir. Mais ce qui l'attend d'abord à
Pétersbourg, c'est un modeste emploi dans un ministère.
En 1829, Gogol fait ses premiers pas littéraires en publiant, sous
le pseudonyme de V. Alov et à compte d'auteur, le médiocre poème
romantique Hanz Küchelgarten. Éreinté par la critique,
il retire les exemplaires des librairies pour les brûler. Lorsque le
succès lui sourira, Gogol ne parlera à personne de cet échec
littéraire. Après cet échec, il s'échappe une
première fois de Russie et passe deux mois dans le nord de l'Allemagne,
sous couvert de mensonges successifs.
De retour à Pétersbourg, il est forcé de s'engager à
nouveau dans l'administration pour un salaire de misère. Il poursuit
également ses écrits, regrettant le soleil d'Ukraine. C'est
ainsi que l'année suivante paraît dans Les Annales de la Patrie
sa première nouvelle, inspirée par le folklore ukrainien, la
Nuit de la Saint-Jean.
En 1831, Gogol quitte l'administration et devient professeur à l'Institut
patriotique pour filles d'officiers nobles. Il est introduit dans les milieux
littéraires et présenté à Pouchkine qui l'encourage
à écrire. L'éloignement de l'Ukraine lui inspire les
Soirées du hameau. Ce recueil de nouvelles grotesques, drolatiques
et fantastiques, inspirées de la vie des paysans ukrainiens, lui assure
la célébrité. Il comprend La Foire de Sorochyntsi, La
Nuit de Saint-Jean, Une nuit de Mai, La Dépêche disparue. L'accueil
de la critique est excellent. Le second tome des Soirées du Hameau
est publié en 1832. Il comprend La Nuit de Noël, Une terrible
vengeance, Ivan Fiodorovitch Chponka et sa tante, Le Terrain ensorcelé.
Nouveau succès.
En 1833, Gogol traverse une profonde crise morale. Gogol, croyant selon le
culte orthodoxe, pense que chaque homme, qui est envoyé sur terre par
Dieu, a une "mission" à accomplir. Il estime cependant ne
pas encore avoir perçu le but de sa "mission". C'est pourquoi,
toujours à la recherche de sa « mission », il se découvre
une vocation d'historien. Nommé professeur adjoint d'histoire à
l'université de Saint-Pétersbourg en juillet 1834, ses premiers
cours (auxquels assistera Tourgueniev) entraînent l'enthousiasme des
étudiants. Son intérêt pour l'histoire comme sa popularité
en tant que professeur s'éteignent cependant rapidement.
Gogol publie, en 1835, le recueil Arabesques, qui contient notamment La Perspective
Nevski, Le Portrait et Le Journal d'un fou. Quant au recueil Mirgorod, on
y retrouve entre autres le conte fantastique Vij et une première version
de Tarass Boulba.
En 1836, la pièce de théâtre Le Revizor (dont le sujet lui a été fourni par Pouchkine, étant donné que ce dernier estime ne pas avoir le talent humoristique nécessaire à l'écriture d'une telle pièce.), applaudie par les libéraux, attaquée par les réactionnaires, connaît un succès de scandale à Saint-Pétersbourg. Une remarque attribuée au tsar Nicolas Ier calmera les esprits : « tout le monde en a pris pour son grade, moi en premier ». Gogol se sent incompris. Il est tout autant irrité par ceux qui le soutiennent que par ceux qui le critiquent : tous détournent sa pensée profonde, pensant que Le Revizor est une satire politique, alors qu'il a voulu une farce dénonçant la mesquinerie provinciale. En plein désarroi, il fuit la Russie
En juin 1836 Gogol entame une longue période de pérégrinations
à travers l'Europe de l'Ouest. Il part d'abord pour l'Allemagne et
la Suisse et arrive à Paris en novembre 1836 où il restera jusqu'en
mars 1837. C'est à Paris qu'il apprend la mort de Pouchkine, tué
en duel à Saint-Pétersbourg, qui le trouble profondément.
Il s'installe ensuite à Rome où il demeurera deux ans, avant
de se reprendre la route.
Cette "bougeotte"», ce besoin compulsif de se déplacer
est l'un des symptômes de ses troubles psychologiques. Il se consacre
d'abord au tourisme, avant que ses problèmes de santé (principalement
psychologiques selon toute vraisemblance) ne l'obligent à passer son
temps dans des villes d'eau. Profitant autant que possible de l'hospitalité
de ses admirateurs fortunés, l'écrivain impécunieux visite
ainsi l'Allemagne (Francfort chez Joukovski), la Suisse, la France (Paris,
chez le comte Alexandre Tolstoï, et Nice chez la comtesse Vielgorski),
et enfin la Belgique. Il prétend aussi s'être rendu en Espagne;
mais ceci semble être un de ses nombreux mensonges. Cependant, de tous
les pays d'Europe, c'est l'Italie qu'il préfère de loin, et
Rome en particulier.
Dans son maigre bagage, outre quelques habits, Gogol emporte le manuscrit
de son grand roman, Les Âmes mortes. Il avait commencé à
l'écrire en 1835, sur une idée donnée par Pouchkine.
Il ne s'agit d'abord dans son esprit que d'une farce, dans la lignée
de ses premiers écrits. Mais dans sa foi de plus en plus exaltée
en sa « mission », il l'envisage bientôt comme son chef
d'uvre (surtout après la mort de Pouchkine dans un duel, en 1837).
Après cinq années de travail, principalement à Rome,
Gogol termine l'ouvrage. Il essaie de le faire publier en 1841, mais il est
interdit par le comité de censure de Moscou. Ce n'est qu'après
de nombreuses manuvres que l'uvre est autorisée par la
censure de Pétersbourg et qu'elle peut paraître, en 1842. Aventures
amusantes d'un petit escroc, satire de la médiocrité humaine;
ce roman est aussi une critique impitoyable (et involontaire) de la Russie
tsariste. Le succès et le scandale sont à nouveau au rendez-vous.
Gogol, lui, a déjà fui la Russie.
Son expérience passée de médiocre employé de ministère
lui inspire aussi une nouvelle fantastique, Le Manteau, dont le héros
Akaki Akakiévitch est devenu l'archétype du petit fonctionnaire
russe. Elle est publiée en 1843, dans ses uvres complètes.
À partir de ce moment, Gogol devient de plus en plus mystique. Il se
persuade ainsi que sa mission est de sauver moralement la Russie, en la guidant
vers le paradis. Ce cheminement vers le bien, Gogol entend la décrire
dans une suite aux Âmes mortes. Il voit désormais la première
partie du roman comme une représentation de l'enfer sur terre. La seconde
et la troisième partie des Âmes mortes décriront la graduelle
rédemption des héros, leur passage au purgatoire, puis au paradis.
Mais, pour cette uvre, Gogol estime qu'il doit lui même se perfectionner
moralement. L'écrivain s'absorbe dès lors dans la lecture des
livres saints, telle que L'Imitation de Jésus-Christ ou le Ménologe.
Hélas, ni son perfectionnement, ni l'écriture n'avancent comme
il le voudrait. Rongé par le doute, déprimé, toujours
plus hypocondriaque, il brûle à plusieurs reprises la suite aux
Âmes mortes5.
Il s'oriente simultanément vers un conservatisme politique extrême
(défense de l'autocratie et de l'orthodoxie). C'est ainsi que sa dernière
uvre, les Passages choisis d'une correspondance avec des amis, cause
un véritable scandale lors de sa parution en 1846. Il s'agit d'un ouvrage
réactionnaire, où Gogol dévoile une vision tellement
obscurantiste du monde qu'elle en est comique6. En 1848, Gogol quitte l'Europe
pour l'Orient. Il visite les lieux saints, sans y trouver de remède
à sa dépression. Ensuite, il rentre définitivement en
Russie, où il partage son temps entre Moscou et le sud de l'Empire,
Odessa notamment. Il y est libéré de tout souci matériel,
trouvant refuge chez ses riches admirateurs, mais se sent toujours plus malade
et désemparé. En ultime recours, Gogol cherche l'assistance
de moines fanatiques (tels que le père Matthieu) ou, même, de
fols en Christ.
Dans la nuit du 11 au 12 février 1852, Gogol brûle une dernière
fois le manuscrit de la deuxième partie des Âmes mortes, dans
son appartement du boulevard Nikitsky. Au matin, il accuse le diable de l'avoir
trompé. Il se laisse ensuite mourir, refusant nourriture et soins.
Finalement livré aux mains de médecins, ceux-ci lui infligent
des traitements d'une violence inouïe (bains froids, saignées,
cataplasmes et sangsues). Gogol décède le 21 février
1852.
D'abord enterré au monastère Saint-Daniel, sa dépouille
sera transférée en 1931 au cimetière de Novodiévitchi
de Moscou. Gogol a eu une grande influence dans la littérature russe
de la seconde moitié du XIXe siècle, par exemple sur Fiodor
Dostoïevski. Selon le Roman russe (1886) d'Eugène-Melchior de
Vogüé, Dostoïevski aurait dit : « Nous sommes tous
sortis du Manteau de Gogol ». Son aura s'est sans doute encore accrue
au XXe siècle. On peut le noter dans l'uvre de Mikhaïl Boulgakov,
qu'il inspirera grandement pour son chef-d'uvre, Le Maître et
Marguerite, ou d'Alexandre Soljenitsyne.
Les oeuvres de Nicolas Gogol et leurs adaptations
1829 : Hanz Küchelgarten (idylle romantique)
1832 : Nouvelles Soirées du hameau : La Foire de Sorotchintsy - La
Nuit de la Saint-Jean - La Dépêche disparue - Une terrible vengeance
- Ivan Fiodorovitch Chponka et sa tante - Le Terrain ensorcelé
1835 : Mirgorod (Nouvelles servant de suite aux Soirées du hameau)
: Un Ménage dautrefois Tarass
Boulba Vij La Brouille des deux Ivan
1835: Arabesques (Nouvelles) : La Perspective Nevski - Le Journal d'un fou
1836 : Le Nez, La Calèche
1835 : Tarass Boulba, (1839 version définitive
et augmentée du roman)
1835 : Les Épousailles ou Hyménée (théâtre)
1836 : L'Apport de Rome (Nouvelles): Le Portrait (une seconde version en 1842),
Rome, Les nuits de la villa.
1836 : Les Joueurs (théâtre)
1836 : Le Revizor (théâtre)
1842 : Les âmes mortes, première partie
La Matinée d'un homme d'action (Théâtre
Le Procès (Théâtre)
L'Antichambre (Théâtre)
1843 : Les Nouvelles de saint Pétersbourg, recueil des nouvelles : Le Portrait,
Le Journal d'un fou, La Perspective Nevski (récits d'abord publiés, en 1835,
dans le recueil Arabesques), Le Nez (publié pour la première fois en 1836,
dans la revue littéraire Le Contemporain) et Le Manteau
(publié en 1843). C'est seulement a posteriori que Gogol verra l'unité de
ces nouvelles, écrites et publiées à des époques différentes, mais qui ont
toutes pour cadre Saint-Pétersbourg, dépeinte comme une ville artificielle,
froide et grise, dans laquelle il est impossible à l'homme de préserver son
humanité.
Les Âmes mortes, deuxième partie ( -inachevée- édition
posthume).
Tarass Boulba est un cosaque ukrainien robuste et belliqueux. Ses deux fils, Andreï et Ostap, rentrant de Kiev après avoir fini leurs études, sont très vite conduits à la Setch, le campement militaire cosaque. Une rumeur circulant dans le camp constitue un motif suffisant pour entrer en guerre contre les Polonais, au nom de la défense de la foi orthodoxe. La campagne féroce est marquée par le passage à l'ennemi d'Andreï, qui cherche à rejoindre la fille du gouverneur. Pour sauver cette fille, Andreï devra apporter de la nourriture à la ville de Doubno, assiégée par les Cosaques. Au cours du combat, Tarass découvre son fils sous l'uniforme polonais. Tarass, humilié, le tue lui-même d'une balle dans le torse. Après l'arrivée de renforts polonais, la déroute des troupes cosaques est inévitable. Tarass Boulba finit par être capturé, puis est brûlé vif.
1936 : Alexis Granowsky. Tarass Boulba avec
Harry Baur, Jean-Pierre Aumont, Danielle Darrieux.
1962 : J. Lee Thompson. Taras
Bulba avec Yul Brynner et Tony Curtis.
1964 : Henry Zaphiratos. Le Fils de Taras Boulba
2009 : Vladimir Bortko . Tarass Bulba
Le mot "âme" désignait, en Russie, les serfs mâles. C'est le nombre d'âmes qui déterminait la valeur d'une propriété ainsi que l'impôt foncier dont le propriétaire était redevable. Comme les recensements n'étaient effectués que tous les cinq ans, les serfs morts "vivaient"» parfois des années dans les registres de l’état; et les propriétaires payaient un impôt sur ces âmes mortes.
Cette absurdité du système avait donné à des escrocs l'idée d'une arnaque au crédit foncier. Ils achetaient d'abord des âmes mortes à prix minime (ce qui arrangeait bien les propriétaires, désormais dispensés d'impôt). Ils les plaçaient ensuite, fictivement évidemment, sur un terrain acheté à bon compte. Finalement, ils hypothéquaient le tout auprès du crédit foncier, pour la valeur d'une propriété florissante.
Pavel Ivanovitch Tchitchikov, l'escroc imaginé par Gogol, son cocher Sélifane (toujours entre deux vins) et son valet Pétrouchka (à l'odeur corporelle abominable) arrivent dans une ville de province. À bord de sa britchka brinquebalante, le héros entame sa tournée d’achat de morts dans la campagne des alentours. Il rencontre ainsi une divertissante galerie de propriétaires : Manilov, imbécile mielleux ; Korobotchka, avide et sotte vieille ; Nozdriov, joueur et menteur ; Sobakevitch, rustaud ; Pliouchkine, avare. La plupart de ces hobereaux sont interloqués par l'étrange offre que leur fait Tchitchikov: "j'ai l'intention d'acheter des morts...". Mais ils ne la comprennent que sous l'angle extrêmement étroit dont ils voient le monde. Manilov est satisfait dès que Tchitchikov l'assure que l’opération n’est pas "contraire aux institutions, ni aux vues subséquentes de la Russie". Korobotchka craint de faire une mauvaise affaire et préférerait attendre le prochain acheteur pour connaître le juste prix d’une âme morte. Nozdriov offre de jouer les morts aux cartes ou aux dames, de les échanger contre quelques chiens, etc.
Tchitchikov rentre ensuite en ville. Les notables et surtout leurs épouses vouent rapidement une véritable adoration à celui qu'ils voient comme un mystérieux et séduisant millionnaire. C'est l'heure de gloire de Tchitchikov, qui croit que son rêve de devenir riche et de fonder une famille est près de s'accomplir. Hélas, les rumeurs les plus étranges commencent à circuler sur son compte. C'est que deux des vendeurs de morts, Korobotchka, angoissée de s'être fait rouler, et Nozdriov, même si en état d'ébriété avancée, ont dévoilé certains éléments de son incompréhensible commerce. Tout ceci oblige Tchitchikov à fuir au plus vite la bourgade, tandis que l'auteur révèle le passé de fonctionnaire corrompu de son héros.
Akaki Akakievitch Bachmatchkine, un petit fonctionnaire,
consacre l'essentiel de son temps à des copies; tâche qu'il accomplit avec
amour, au milieu des moqueries et des vexations. Une catastrophe chamboule
un jour sa vie : son manteau est usé jusqu'à la corde ; il faut le remplacer.
Ceci donne subitement une autre dimension à l'existence d'Akaki. Il commence
à économiser, kopeck après kopeck, pour se procurer le vêtement, dont l'acquisition
vire à l'obsession. Il est un homme heureux, le jour où, pour la première
fois, il l'endosse. Malheureusement, rentrant d'une fête organisée par ses
collègues pour célébrer le grand évènement, Akaki est agressé et son manteau
est volé. Pour la première fois de sa vie, le malheureux se révolte contre
le sort et entame des démarches pour récupérer son cher manteau. Malheureusement,
un « personnage important » auquel il demande secours s'en prend violemment
à lui, pour impressionner une connaissance qui lui rendait visite. C'est le
coup de grâce pour Akaki, qui meurt quelques jours plus tard, de froid. C'est
alors que commencent à se produire des évènements inexplicables: un spectre
apparaît, dans différents quartiers de Pétersbourg, effrayant les passants
et leur dérobant leurs habits. Le fantôme, qui n'est autre que celui d'Akaki,
attaque finalement le « personnage important » qui avait renvoyé si durement
le petit fonctionnaire et lui vole son manteau.
1952 : Alberto Lattuada. Il cappotto avec : Renato Rascel (Carmine De Carmine), Giulio Stival (le maire), Yvonne Sanson (Caterina), Giulio Cali (le tailleur), Ettore Mattia (le secrétaire de mairie), Antonella Lualdi (Vittoria, la fille du maire), Anna Carena (le logeur). 1h52.