Editeur : Blaq out. Mars 2009. 25 €

Suppléments :

  • Un entretien avec les Frères Dardenne
  • Une interview de la comédienne Arta Dobroshi
  • Les scènes coupées
  • La bande-annonce

Pour devenir propriétaire d’un snack avec son amoureux Sokol, Lorna, jeune femme albanaise vivant en Belgique, est devenue la complice de la machination de Fabio, un homme du milieu. Fabio lui a organisé un faux mariage avec Claudy pour qu’elle obtienne la nationalité belge et épouse ensuite un mafieux russe prêt à payer beaucoup pour devenir belge. Pour que ce deuxième mariage se fasse rapidement, Fabio a prévu de tuer Claudy. Lorna gardera-t-elle le silence ?

Les frères Dardenne arrivent à rendre crédibles les trois coups de force du scénario. Claudy arrête juste la drogue au moment où il doit être assassiné ; l'ellipse sur la mort de Claudy ; le basculement dans la folie de Lorna.

Ils illustrent ainsi leur thèse de prédilection : comment l'âme resurgit face à l'inacceptable lorsque le corps s'épuise, souffre, devient malade, laissant alors l'humanité l'emplir. La mise en scène des Dardenne, simple, est à l'image de leur personnage : Lorna est une jeune femme courageuse aux ambitions mesurées. Amoureuse de Sokol, elle veut ouvrir un snack à Liège et préfère perdre 5 000 euros plutôt que d'avoir la mort d'un homme sur la conscience.

La meilleure scène du film est celle où l'amour surgit dans le désespoir. Décidée à sauver Claudy, Lorna se donne à lui dans l'urgence pour qu'il ne replonge pas. Suit la scène au petit matin où Claudy s'en va en vélo, elle au travail, image d'un quotidien paisible pour lequel elle se bat.

La solution maffieuse qu'elle avait jusqu'alors acceptée faute de mieux, l'amour comme une entreprise quelle forme avec Sokol, ne peut alors plus la forcer à continuer. Son désir profond et sa rédemption viennent ainsi après l'épuisement : grimper jusqu'en haut de l'appartement au-dessus du snack. L'enfant sera comme la bonne conscience qu'elle porte en elle. Cette maternité est d'abord présentée rationnelle : Lorna a lieu de se croire enceinte et de préférer garder l'enfant comme la part d'innocence qu'elle a su préserver.

Une fois cette névrose installée, le basculement dans l'irrationnel surgit lorsque, contre toute évidence scientifique, elle continue de se croire enceinte. Ce dérèglement, les frères Dardenne le rendent crédible par l'atmosphère d'exécution par la mafia qu'elle ne manque pas de ressentir autour d'elle et par sa longue errance solitaire dans la forêt, image mentale de son désespoir.

Entretien avec les Frères Dardenne


Jean-Pierre Limosin s'est rendu à Seraing, banlieue industrielle de Liège, où les frères Dardenne ont tourné la plupart de leurs films pour les filmer le cadre de la série Cinéastes de notre temps.

Les frères parlent de leur proximité avec les acteurs. Depuis La promesse, ils ont vissé un objectif 25 mm à la caméra. Cela donne une focale un tout petit peu plus longue que celle de l'oeil qui rapproche du corps de l'acteur. Ils le filment comme un détective : "Si jamais on le perd, on est perdu."

Leur but est de rendre palpable l'expérience humaine qui est en train de se dérouler. Ainsi dans Le fils la scène de la variation de distance entre le père et l'assassin de son fils, le suspens est de savoir si le père va être touché par l'assassin de son fils, s'il va le supporter ? L'accession à la conscience morale est nécessairement précédée d'un silence comme dans la bible qui hésite puis répond "Je ne suis pas le gardien de mon frère". Les personnages Igor, Francie ou Bruno découvrent la culpabilité qui ouvre à la vie.

Les frères disent se méfient "de ce qui fait image, de la beauté de la souffrance. Il n'y a rien de plus dégueulasse". Ils essaient d'éviter les choses posées qui rassurent et qui sont pleines." On ne compose pas une image. On essaie d'arriver trop tard, de ne pas être à la bonne place".

Le moniteur vidéo sur le plateau est nécessaire pour travailler à deux. L'un le regarde pendant que l'autre est à la mise en scène.

Ils ont besoin d'acteurs amateurs, qui n'ont jamais joué pour souder l'équipe mais ils en exigent une totale vérité au personnage : manger dix hot-dogs s'il le faut et oter impérativement les bijoux personnels.

Le tournage se fait dans la continuité, les décors sont toujours là jusqu'à la fin du tournage. Il y a ainsi possibilité de retourner les scènes. C'est le seul luxe, le temps, que s'accodent les frères Dardenne.



interview de la comédienne Arta Dobroshi

Soeur d'un réalisateur, Arta Dobroshi a appris le français en même temps que le cinéma lorsqu'elle a été repérée par les frères Dardenne.

 

 
 
présente
 
Le silence de Lorna des frères Dardenne