Editeur : Carlotta-Films. mars 2014. Nouveau master restauré haute définition. Le DVD ou le Le Blu-ray : 20,06 €.

Suppléments :

  • Triomphe de la passion (23 mn) L’historien du cinéma et critique américain Tag Gallagher analyse le rôle du personnage de Lisa Berndle, véritable meneuse de jeu de ce mélodrame ophulsien, à travers cet autoportrait de femme dévorée par un amour-passion indestructible.
  • Mémoires d'un producteur (15 mn) Sous les traits du producteur John Houseman, l’acteur Jacques Bouanich se remémore certains aspects du tournage de Lettre d’une inconnue et ses rapports avec Max Ophuls. Librement inspiré des mémoires de John Houseman (Front and Center), publiés en 1979. .

Un pianiste célèbre et vieillissant, Stefan Brand, reçoit un soir une lettre adressée par une inconnue, Lisa Berndle. Celle-ci lui révèle qu'elle lui voua, dès son adolescence, un amour exclusif, sans qu'il s'en aperçût jamais. Elle lui raconte comment, toute jeune encore, elle assista en cachette à son emménagement dans l'appartement voisin de celui de sa mère; comment elle rompit ses fiançailles qui s'annonçaient brillantes, afin de ne pas s'éloigner de lui; comment elle dut travailler pour assurer sa subsistance. Quelques rencontres furtives, à plusieurs années d'intervalle, une brève idylle ébauchée une nuit au Prater, une ultime étreinte un soir de fête, aussitôt oubliées par l'inconstant, furent les seuls moments de bonheur qu'elle goûta auprès de son volage amant.

Deuxième film américain d'Ophuls après l'impersonnel Exilé (1947), Lettre d'une inconnue offre enfin à Ophuls, après sept ans d'attente, la possibilité d'exprimer son talent au sein du système hollywoodien. Après Libelei (1935) adapté d'Arthur Schnitzler, son plus grand succès international, Ophuls retrouve une Vienne admirablement reconstituée en studio et plus belle encore que la décrit Stefan Zweig dans sa nouvelle. Il y dessine un portrait de femme amoureuse -amoureuse sans espoir- dont la délicatesse et la mélancolie glissent lentement et inexorablement vers le sublime. Ophuls modifie totalement la nouvelle de Stefan Zweig. Il l'encadre dans un prologue et un épilogue réconciliateur et invente une scène centrale au Prater. Le film reste comme chez Zweig une charge contre l'inconsistance des hommes et l'exhaltaion du sacrifice d'une femme. Mais il met surtout en valeur la possibilité pour une femme de se créer un destin à la hauteur de ses exigences. Un jeu de rimes visuelles et la figure du fondu enchainé donne en effet une forme, celle d'une ronde à ce destin, alors que l'artiste le fige dans l'éternité en montrant qu'il s'agit d'une œuvre d'art, d'une scène où le spectateur doit être attentif aux ouvertures de rideaux.

Triomphe de la passion (23 mn, 2009)

L’historien du cinéma et critique américain Tag Gallagher analyse le rôle du personnage de Lisa Berndle, véritable meneuse de jeu de ce mélodrame ophulsien, à travers cet autoportrait de femme dévorée par un amour-passion indestructible.

Pour Tag Gallagher, il s'agit d'un film dans le film oùt Lisa mène le jeu de bout en bout. Elle retrace sa vie dans un spectacle qu'elle écrit, met en scène et interprète tout à la fois. Nous ne la voyons jamais au travers du regard d'autrui. Nous n'avons que sa propre vision et nous ne voyons pas vraiment à travers ses yeux car son point de vue est intérieur. Nous voyons le passé qu'elle se remémore en écrivant, un passé ruminé pendant dix ans et non les événements eux-mêmes. Elle se met en scène à l'âge de douze ans, vingt ans et trente ans mais toujours comme une femme de trente ans qui joue un rôle, se montre, nous projette son image et ses plaisirs. Mais surtout la personnalité de Lisa se révèle dans l'exaltation avec laquelle elle révèle sa vie cachée : "Regarde, dit-elle, comme je suis devenue belle". Lisa jubile. Au lieu de voir son attente nuit après nuit pendant un an, qui passerait pout pure folie, on ne voit que le soir de sa rencontre qui légitime son action. Cette ellipse occulte le fait que, dans une Vienne conservatrice, Stefan la prendra pour une fille facile, une femme attendant d'être courtisée. Au contraire, Lisa se présente comme tombée du ciel. On ne voit pas ce que voit Stefan mais Lisa se sentant regardée. Ce que l'on observe est son autoportrait réalisé dix ans plus tard : Stefan est dans la pénombre, elle est lumineuse. C'est en elle-même, qu'elle se remémore ses actions et réactions. Pas lui. Elle s'observe rentrant avec Stefan comme elle observait Stefan rentrer chez lui. Elle pense être l'ange qui évincera tous les autres mais elle n'en dit rien à Stefan. La dévalorisation de soi et le déni vont avec la passion tout comme la vengeance. Le film est empreint du même masochisme que dans le livre mais, comme Lisa est la narratrice, il ne nous apparait pas comme tel. Nous partageons la joie qu'elle a en le revoyant. Nous la voyons comme elle se voit ; comme une sainte romantique dont la passion perdure avec le temps.

Elle sait que son mari tuera Stefan et elle nous montre qu'il voit qu'elle rentre chez lui. L'amour passion en détruit l'objet. Stefan est plus que jamais vampirique. Quand elle est morte, Stefan peut devenir le sujet et répondre. Ces deux là partagent une maladie commune : le désespoir.

 

Mémoires d'un producteur (15 mn)

Sous les traits du producteur John Houseman, l’acteur Jacques Bouanich se remémore, dans un film de Fabien Ricour, certains aspects du tournage de Lettre d’une inconnue et ses rapports avec Max Ophuls. Librement inspiré des mémoires de John Houseman ( "Front and center " Simon and Schuster, New York, 1979) et "Lettre d'une inconnue de Max Ophuls "par Philippe Roger.

 

 

 

 

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Lettre d'une inconnue de Max Ophuls