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Editeur : Wild Side Video, mars 2010. Master restauré. V. O. avec sous-titres français. Durée du film : 2h15. 15 €.
Supplément :
Cecil Fox fait croire à ses trois anciennes maîtresses qu'il est sur le point de mourir. Il pense - avec raison - que la nouvelle va les attirer auprès de lui à Venise et l'idée que ces trois femmes vont se battre entre elles et rivaliser d'amour auprès de lui l'amuse déjà… |
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Unanimement salué pour la virtuosité de son scénario, ce film a souvent été accusé de misanthropie ; une misanthropie qui aurait gagné Mankiewicz après l'échec de Cléopâtre. Il est vrai que Fox ne cache pas son mépris pour ses anciennes amantes, prêtes à se vendre pour récupérer son héritage. Mais elles ne font après tout qu'exécuter une comédie semblable à la sienne pour éviter le naufrage de leur rêve doré. De plus Madame Sheridan se révèle extrêmement lucide et Fox, n'osant pas l'affronter, l'assassine avant de jouer la comédie devant elle. Fox ne se prive pas non plus de mépriser Sarah, l'accusant dans la scène du jardin de n'avoir d'autres désirs que de porter des gaines inviolables et de manger du cresson. Pourtant il ne tarde pas à reconnaître une intelligence égale à la sienne lorsqu'elle découvre sa machination et cherche à en profiter. Si misanthropie il devait y avoir, elle serait plutôt à rechercher dans la courte saynète dans l'intimité de l'inspecteur Rizzi. Celui-ci, d'abord cadré serré dans son salon avec ses deux filles en train de regarder Perry Mason, un feuilleton américain, se lève bientôt pour mener sa propre enquête. Le champ découvre alors ses filles et sa femme avec leur paquet de chips à leurs pieds ou cassant des noix et ne répondant pas à ses questions. De rage, il pointe son arme de service vers la télévision et hésite longuement avant de la ranger renonçant à faire exploser le poste. Cette courte séquence, complètement indépendante du reste du film prouve, si besoin était que le sujet du film est le rapport du spectacle à la vie. Le but de la mise en scène est-il de tout contrôler, de maintenir son spectateur dans un état d'hébétude qui rendrait égale la pièce de Ben Jonson à un feuilleton américain ? La réponse de Mankiewicz, loin d'être désabusée est toujours la même : la vie sort du spectacle lorsque l'on mêle intelligence et amour. Certes Guêpier pour trois abeilles ne se déploie pas sur les longues périodes de temps qui permettent généralement au cinéaste de montrer le rôle de l'introspection pour évaluer les choix de vie. Ici la pièce se joue sur trois petits jours et l'amour et l'intelligence sont incarnés par une actrice sans glamour et un personnage qui ne semble ni brillant ni passionné. Mais la démonstration n'en acquiert que plus de poids. Sarah est à ce point obsédée par celui dont elle est tombée amoureuse que toutes ses déductions la ramènent à lui. Caque fois qu'elle pense, off, un raccord regard montre en parallèle McFly occupé à son inventaire des pièces vides du palais. Impossible de montrer plus clairement que si, consciemment Sarah pense, inconsciemment elle aime. L'aveu de la preuve de sa culpabilité au coupable serait aussi totalement irréaliste dans un schéma policier classique, s'il n'avait été préparé par le reflet dans la glace de McFly alors que Sarah se retrouve seule le soir. Elle s'offre littéralement à son bourreau. Le premier geste de celui-ci, la saisissant par le bras, est d'abord interprété par le spectateur comme un geste de violence avant qu'on ne comprenne qu'il ne pense qu'à la protéger. Fox aura aussi bien tord d'être outragé par l'image des amants sur la place saint Marc : ceux-ci continuent de se chamailler sur leur devenir, amour et intelligence continuant leur stimulant combat.
Présentation du film par Patrick Brion et Pascal
Mérigeau (26')
Le film a coûté 6 millions de dollars ce qui est très cher pour un film de studio classique. Il durait au départ 2h40. Fox est proche de Mankiewicz avec ce personnage de reclus dans le passé qui n'aime pas le monde moderne (le commissaire qui vise l'écran de la télévision). Mankiewicz a dû supprimer les flashes back avec les trois femmes. Les flashes back mettaient en scène des relations fantasmatiques (Far Ouest onirique, fourrure étalée par terre) qui renseignaient sur l'état réel des relations de Fox avec chacune de ses femmes. Il y avait aussi des interventions de personnages en voix off, de producteurs mécontents. Mankiewicz n'est pas dans un rapport de force suffisant pour résister et coupe près d'une demi-heure de film qui incorporait ces éléments pirandelliens. Si flashes back et voix off, si présents dans les oeuvres de Mankiewicz ont disparu, reste son goût pour les jeux avec le temps (cadeaux de montres et de sablier) et son talent d'anticiper sur la compréhension et la réaction qu'aura le spectateur d'une scène et de jouer avec cette attente. Inspiration prise autant chez Lubitsch que dans la pièce Volpone ou le roman qu'il adapte, Le tricheur de Venise de Thomas Sterling (avec déjà trois femmes et non deux hommes et une femme comme dans Volpone et déjà toutes les préoccupations sur le temps).
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présente
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Guêpier
pour trois abeilles de Joseph L. Mankiewicz
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