Editeur : Carlotta Films. novembre 2017. Le coffret des six DVD ou Blu-ray, Cute girl (86 mn). DVD 2 : Green Green Grass of Home (87 mn). DVD 3 : Les Garçons de Fengkuei (96 mn). DVD 4 : Un temps pour vivre, un temps pour mourir (131 mn). DVD 5 : Poussières dans le vent (106 mn). DVD 6 : La fille du Nil (89 mn). Chacun des deux coffrets, en DVD ou Blu-ray : 60,19 €
Suppléments :
Dans cette analyse fleuve composée d’extraits des cinq premiers films du Coffret, le critique et historien du cinéma Jean Douchet revient sur les premiers pas de Hou Hsiao-hsien en tant que réalisateur, à travers l’éclosion de thèmes et d’une grammaire cinématographique qui lui sont propres et qui feront bientôt de lui l’une des plus importantes figures du septième art contemporain.
Pour le premier plan de son premier film Hou Hsiao-hsien impose son écriture. Il choisit une longue focale de zoom avec un effet de perspective radicalement droite perpendiculaire. Son écriture utilisera par la suite des effets plus discrets.
Cette perspective exprime un désir de mouvement, de déplacement ; le désir d'échapper à un environnement d'une petite ville encerclée par la montagne. La statue à l'arrière plan rappelle le poids historique qui pèse sur l'île, constamment occupée : portugaise, hollandaise, chinoise, japonaise puis chinoise à nouveau ; un pays pas vraiment dirigé par lui-même. A la fin des années 70, le régime politique se fait plus souple : une génération de cinéastes s'infiltre dans cet espace de liberté dont Hou Hsiao-hsien va devenir la figure emblématique.
Ce premier plan est très travaillé avec sa voiture jaune de sport, le camion rouge et jaune et les lignes jaunes sur la route. Un piéton, une femme en rouge traverse transversalement l'axe de la rue. Son personnage introduit le féminin dans l'univers viril de la circulation. C'est donc logique que ce soit une femme au volant de la voiture de rêve. Elle est jeune riche et belle. Ne lui manque que l'amour. Donc, plan suivant, vue perpendiculaire sur une rue banale sans couleur, uniforme, un jeune homme ordinaire en mobylette offre le conte de fée : la princesse amoureuse du prolo.
A la fin du film tout s'arrange : on a le happy-end bien factice. On assiste au triomphe du jeune homme qui bien évidemment conduit la voiture jaune. Il n'est pas pauvre mais lui aussi, fils d'un riche industriel. Le dernier plan s'oppose au premier enfermé dans une large horizontalité, celle de la durée temporelle que montrent le paysage de montagne et l'arbre immense qui occupe entièrement la surface de l'écran. Le futur est le fruit d'une longue et lente gestation du passé
Le premier plan de Green Green Grass of Home reprend la pensée de Cute girl mais en l'inversant. Le film commence sur une vision horizontale de l'immobilité millénaire du paysage, sous entendu de la civilisation chinoise. Puis, lentement, par un panoramique, la caméra pivote sur elle-même comme pour aller chercher la perspective qu'inscrit sur l'écran les rails du chemin de fer qui renvoie au premier plan de Cute girl sur la l'avenue de Taipei. Hou Hsiao-hsien traite de la nécessité de la modernité dans la campagne profonde. Les enfants de cinq à sept ans seront les héros du film. Son sujet aborde la nécessité de l'éducation ; ouvrir à la modernité tout en respectant les traditions dont le goût du jeu ; ce qu'évoque la course avec le train.
Ces plans rappellent Gosses de Tokyo ou Bonjour d'Ozu qu'Hou Hsiao-hsien admire : exprimer joyeusement le répétitif du quotidien en variant constamment la position de la caméra mais en gardant le même axe.